Jardins potagers de la Smala : un Plan Wahlen bio 2040

Voir notre vidéo (2 minutes) sur le plan Wahlen bio 2040.

Un risque de «pénurie alimentaire» sur le marché mondial existe, ont averti l’ONU, l’OMS et la FAO en avril 2020 déjà.

Les perturbations liées au Covid-19 dans le commerce international et les chaînes d’approvisionnement alimentaire en sont la cause. C’est du sérieux (source : bulletin d’alerte de la FAO).

Et pendant ce temps, chaque fois que nous allons au supermarché, nous restons loin de la souveraineté alimentaire, comme les passagers du Titanic attablés alors que le navire commençait à prendre l’eau …

Le chemin vers la simplicité volontaire des jardins de La Smala

Pendant le confinement du COVID au printemps 2020, on s’est dit qu’un peu plus d’autonomie alimentaire en Suisse serait bien utile.  On a imaginé qu’en 2040, on mange essentiellement ce qu’on produit localement, avec au moins la moitié cultivée autour de nos maisons, dans des jardins potagers  et sans pesticides ou autres agrotoxiques.

Cette vision peut devenir réalité. C’est le défi qu’on s’est lancé.

En fait, c’est surtout un défi humain : réussir à coopérer durablement, pour bien cultiver les relations entre nous et avec la terre. Voir ci-dessous les défis relationnels vécus.

Nous avons commencé par des techniques simples : récupérer l’eau de pluie, préparer la terre et les jeunes pousses, choisir les arbres et les combinaisons vivantes, pailler, dynamiser, buter, lombri-composter, préparer du purin et des tipis à plantes grimpantes, planter et replanter, arroser beaucoup au début, cultiver et nourrir la terre, récolter puis transformer, conserver et enfin savourer. 

Nous sommes encore très loin de l’autonomie mais la démarche est amorcée. Objectif pour la première année : une tonne de production sur 200 m2, avec 35 variétés de plantes différentes, dont certaines rares à revaloriser.

Et si tu as envie de pousser la réflexion, prend du recul, et lis ce qui suit. 

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Souveraineté alimentaire. Le saviez-vous ?

En 1935, en pleine crise économique suivant 1929, avant même la 2e guerre mondiale, la Suisse a visé la souveraineté alimentaire. C’est le plan Wahlen, du nom de l’agronome et politicien qui l’a initié.

Objectif concret : rendre l’agriculture suisse indépendante. OUI !

Comment nos aïeux ont-ils fait ? Les parcs publics, les terrains en jachère, et les terrains de sport sont convertis en zone cultivable. Concrètement, le peuple entier s’est mis à réduire l’élevage et augmenter la production agricole avec l’utilisation de ces terrains vacants. Par décision fédérale, les entreprises de plus de 20 salariés étaient dans l’obligation de cultiver deux ares par employé.

Grâce à cette unification de l’agriculture, la Suisse fut le seul pays d’Europe à ne pas souffrir d’un rationnement des fruits et des légumes. En 1943, plus de 150 000 hectares de prairies naturelles avaient été labourées, 4 500 entreprises participaient au plan et 8 000 hectares de terrain industriel furent cultivés. Un demi-million de particuliers et les salariés de 12 000 entreprises ont cultivé 20 000 hectares supplémentaires

Malgré ses limites et ses échecs partiels, cette expérience à large échelle renforça la détermination à garantir la souveraineté alimentaire et permit de rassurer la population avec la perspective de réserves suffisantes.

Pourquoi ce projet ? Afin de nous permettre d’en aider d’autres à démarrer leur jardin communautaire, pour au final réduire le risque de crever de faim en cas d’effondrement du système actuel. Oui, quand on voit la vitesse à laquelle nos modes de vies changent depuis 20 ans (Internet, confinements, risques climatiques, crises mondiales…), imaginer la souveraineté alimentaire par petits groupes de 10 à 20 personnes n’est pas du luxe.

Y aura-t-il encore des supermarchés en 2040 ? Pas sûr du tout. Comment stimuler l’agriculture familiale et la conservation des aliments comme loisir utile, plutôt que la consommation d’aliments douteux devant une émission de télé-réalité futile, ou le shopping qui dépend de circuit long et vulnérables ?

La large documentation existante sur le mouvement des jardins communautaires (aussi nommé jardins partagés), qui date pourtant des années 1970, est magnifique sur le plan technique (mode de jardinages). En romandie, citons notamment la fondation ecojardinage et son agenda lunaire pour bien cultiver. Mais cette documentation est très limitée sur le plan des relations humaines fondamentales pour gérer un tel jardin. Tant sur les plans scientifique que didactique et pratique, nous n’avons pas trouvé de descriptifs concrets des routines pour coordonner nos efforts.

Bien communiquer pour bien coopérer.  » L’enfer c’est les autres » disait déjà Sartre. Aujourd’hui encore, le défi c’est de s’entendre, se faire confiance, dialoguer en cas de différend. C’est ainsi que l’on peut développer la résilience communautaire, qui est au coeur de l’expertise de la Smala : nous avons co-créé et animé plus de 40 communautés temporaires sur 1 à 12 ans depuis 1993, puis acquis en coopérative.
Nous y avons réfléchi, et constaté que la permaculture et la biodynamie fonctionneraient mieux si les jardins étaient communautaires. Encore faut-il s’accorder sur les routines : bien s’installer, démarrer, préparer la terre et les plantons, planter, arroser suffisamment, bien récolter, tout cela demande non seulement d’apprendre en faisant, mais surtout de communiquer, communiquer et encore communiquer. Quand on est dans la terre, on n’a que rarement le réflexe d’aviser “j’ai arrosé, j’ai récolté” et encore moins de trouver un.e remplaçant.e quand on part en urgence quelques jours voir sa maman souffrante. C’est ce défi de communication, symbolisé par la règle “dire ce qu’on fait, faire ce qu’on dit”, qui compromet si souvent les démarches communautaires.

Ce projet a été initié lorsqu’une femme venue à une rencontre Smala CoCo nous raconta son expérience de participation dans un jardin communautaire genevois, nous partageant son bonheur et ses peines.  Les défis étaient tellement similaires aux nôtres !

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Défis relationnels vécus : Comment gérer l’absence de participants en plein mois d’août, quand le jardin a plus que jamais besoin de soins ? Comment gérer le budget du jardin lorsque les attentes de chaque personnes sont différentes (loisir, aide financière, convictions personnelles, etc.) Comment gérer les changements de tournus dans l’équipe en fonction de la météo, et des agendas parfois surchargé de chacun ? Comment accueillir au mieux de nouveaux bénévoles en faisant abstraction du dernier, que nous avons hébergé et nourri, qui a magnifiquement contribué trois jours d’affilée en aménageant et cultivant le jardin avec amour puis bu un schluck de trop le 2e soir, et, sans se préoccuper du reste, est réparti sur un coup de tête ? Qui décide de quoi en cas d’imprévus ? Doit-on payer pour participer ? Ou être payé si on apporte ses plantons préparés en hiver dans sa cuisine ? Comment réagir quand une personne bienveillante prend des petits engagements qu’elle ne tient pas ? Comment communiquer avec cette personne hypercréative et super impliquée qui construit des abris à tomate en urgence et des tipis à haricots improvisés, mais qui, dans le feu de l’action, en oublie de consulter ses partenaires lors d’actions spontanées ayant un impacte sur tout le groupe ? Comment digérer cette facture exorbitante pour des outils inadaptés et inutilisables, commandés par un seul des partenaire du jardin au nom du groupe ? Qui gère le stock de gants et pourquoi voyagent-ils encore plus que le nain de jardin du père d’Amélie Poulain ?

Notre projet souhaite répondre à ce type de question

Alors sur 2020 à 2022, nous testons des outils numériques et formalisons les missions de communicants participant à mettre de l’huile dans les rouages de ces dynamiques communautaires.

Objectif 2023

Avoir un modèle déployable à large échelle, et donc être prêt pour le 100% souveraineté à l’horizon 2040, si le peuple et/ou la situation le veut. Nous avons estimé que sur 100m2 bien organisés, nous pouvons récolter 1 tonne par année pour moins de CHF 1’000 chf.- de frais au total, soit CHF 1.- le kilo de légume bio local.

Essayons ! Pour cela, nous associons le meilleur du numérique éthique ( à savoir une des expertises de la fondation Ynternet.org, notre partenaire dont Florence Devouard sa vice-présidente, ingénieure agronome a présidé aux destinées de Wikipedia ) avec le meilleur de la permaculture grâce à l’expertise en jardin collectifs de Maxime Arietano, ainsi que des applications smartphone pratiques et des facilitateurs dont le rôle n’est ni de planter ni de désherber, mais bien de communiquer pour huiler la mécanique participative. C’est une vraie innovation, développée dans le cadre du Living Lab de la transition écologique animé par la Smala depuis 1998, en tant que membre du réseau Européen ENOLL.

Formaliser les accords pour gérer un espace, qu’il soit d’habitations ou de potagers, permet de conserver ce que les Wikipediens ont nommé l’esprit de confiance et sécurité. Confiance en visant l’équité du système de partage, grâce à la bonne communication des contributions de chacun.e, avec fluidité et des facilitateurs de la communication interne, clé de voûte de ce type de projets. Sécurité en formalisant les routines, avec les listes de vérifications, garantissant que nos outils et produits seront bien conservés en notre absence, et que le dialogue restera sain en cas de désaccord permettant de  reconstruire la confiance, etc.

Comme dans la gouvernance de Wikipedia, qui a des succès phénoménaux et dont les mouvements sociaux et écologiques ne s’inspirent à notre sens pas assez, la Smala s’est mise à formaliser les rôles et routines de manière participative et par raffinements successifs, dans un jardin communautaire qui démarre. Cela permet in fine de réduire les scénarios d’échecs dans lesquels les participants se fatiguent vite et préfèrent retrouver le confort du  » chacun son petit territoire 100% privatisé «  pour ainsi permettre d’augmenter la convivialité, inspirée de Ivan Illitch, visant plus productivité locale et de diversité (potagère dans ce cas).

Alors oui, cela a un coût. Que ce soit dans la gestion partagée de jardins ou d’habitats, instaurer une dynamique communautaire durable demandant quelques années de patience et de cadrage, impliquant des erreurs, des achats inutiles, des démotivations initiales etc. Nous avons commencé à tester les outils numériques et les bonnes pratiques pour que les routines soient réalistes, fluides, adaptée à notre mode de vie et aux transitions intérieures que nous vivons. Avec ce projet, le défi que nous nous sommes lancés, c’est de réduire la durée de démarrage (de 5-7 à 2-3 ans) et d’augmenter la productivité du potager, avec une méthode efficace. Pour présenter avec légèreté et auto-dérision cette méthode, nous l’avons appelé  » la chaîne téléphonique plus plus plus « .

Au-delà de la seule technique de jardinage, les jardins communautaires sont des projets sociaux et économiques basés sur les valeurs qui nous animent : collaboration, solidarité, durabilité, simplicité, relocalisation et micro-entrepreneuriat social.

Dans cette étape pilote 2020-2022, nous organisons des conférences dès 2020, des ateliers pratiques dès 2021, etc.

Toutes  contributions sont les bienvenues. N’hésitez pas, prenez part au projet en venant faire une visite de premier contact.

SMALA - jardins communautaires
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